Je dormais
tranquillement dans mon appartement du troisième étage du
thanatodrome quand, soudain, quelque chose me réveilla. Un
frôlement, un bruit imperceptible… Je m’assis dans mon lit, tous
mes sens brusquement en alerte.
À tâtons, je
cherchai mes lunettes sur ma table de chevet. Elles n’y étaient
pas. Quel ennui ! J’avais dû les laisser sur mon bureau ! Or, s’il
y avait un cambrioleur dans la pièce, il me fallait me lever pour
aller les chercher et le malfaiteur ne m’en laisserait sûrement
pas le temps. Il m’aurait assommé avant.
Que faire ? Je
réfléchissais à toute vitesse. La meilleure défense réside dans
l’attaque. L’homme ne devait pas savoir que j’étais incapable
de le distinguer.
- Allez-vous-en ! Il n’y a rien ici qui puisse vous intéresser ! criai-je dans le noir.
Pas de réponse. Et,
si je ne voyais rien, je percevais distinctement une présence. Un
étranger était dans ma chambre.
- Sortez ! répétai-je en cherchant la lumière.
Je bondis hors de
mes draps. Heureusement, je porte un pyjama, me dis-je, comme si cela
avait de l’importance en un tel moment. Je connaissais par cœur la
place de l’interrupteur. Vivement j’allumai. Il n’y avait
personne. Même floue, j’aurais discerné une silhouette. Mais là,
aucun doute : la pièce était vide. Pourtant, il y avait bien
quelqu’un et quelqu’un d’hostile en plus, j’en était sûr.
Il se produisit
alors quelque chose de terrible. Je reçus un coup en pleine
poitrine. Un uppercut décoché par rien, ou alors par l’homme
invisible1 !
Je finis par
découvrir mes lunettes. M’en emparant, je les plaçai rapidement
sur mon nez. Toujours rien. Ce coup, l’avais-je rêvé à l’issue
d’un cauchemar dont je ne me souvenais plus mais qui m’aurait
réveillé ?
Me secouant,
j’éteignis et me recouchai en conservant tout de même mes
lunettes. Je m’étendis, ramenai les draps sur mes épaules et
attendis…
Ce fut à cet
instant que la chose se manifesta vraiment. Une présence me pénétra,
s’introduisant par mes orteils et m’envahissant le corps.
Affreuse sensation ! N’importe quel cambrioleur aurait été
préférable à cet ectoplasme qui m’attaquait. Et qui parlait !
- Cessez de toucher aux forces qui vous dépassent !
Je me débattis mais
comment se défendre contre une âme en embuscade ?
- Qui êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Criai-je.
Mais je
connaissais la nature de mon ennemi : sûrement un religieux soucieux
de nous contraindre à interrompre toute expérience thanatonautique.
Je luttais mais il
avançait toujours. L’ectoplasme était dans mes genoux, dans mon
ventre, palpait mes intestins de l’intérieur.
Ainsi, les forces
mystiques avaient décidé de nous déclarer la guerre. À notre
manière. À leur manière. Par la méditation, par la décorporation,
par l’attaque ectoplasmique. Nous avions sous-estimé nos
adversaires. Comment se défendre contre des ennemis qui traversent
tous les murs et même nos barrières de chair ? Mon corps ne
m’appartenait plus. Il était hanté par un fanatique rendu fou
furieux par nos recherches sur le Paradis. Si c’était un curé,
fuirait-il si je m’agenouillais et priais la Vierge Marie ?
Mais
s’agenouiller est indigne d’un combattant. Étrange, ce qui me
vint à l’esprit en ce moment d’horreur, ce fut le souvenir d’un
cours de tir à l’arc zen. Pour réussir son tir, il faut
visualiser la cible dans son esprit. Alors on devient l’arc, le
centre de la cible, la flèche même. Et la flèche a rendez-vous
avec le centre de la cible.
Je me levai,
adoptai la position de combat et fermai les yeux. Aussitôt, mon
adversaire m’apparut. J’avais affaire à l’ectoplasme d’un
moine petit et gringalet. Si je soulevais les paupières, il
disparaissait. Si je les abaissais, il était là, en face de moi,
prêt pour un duel dont j’ignorais les règles. Quel paradoxe que
de devoir fermer les yeux pour mieux voir ! Ce sont les enfants qui
agissent ainsi pour chasser le danger, pas les adultes !
Les yeux
hermétiquement clos, je visualisai parfaitement mon adversaire et le
fis rétrécir dans mon esprit. Puis je plaçai un arc transparent
entre mes mains et adoptai la position du tireur bandant son arme.
L’ectoplasme cessa
de rire.
Nous étions deux
esprits en un seul corps. Le sien et le mien. Il sortit lui aussi une
arbalète et me mit en joue. Je tirai. Il tira simultanément. Ma
flèche atteignit l’ectoplasme en plein front. Je m’affalai.
1- Voir aussi: http://www.histoiredelafolie.fr/psychiatrie-neurologie/la-possession-demoniaque-et-la-science-la-possedee-de-grezes-par-gaston-mery-1902
1- Voir aussi: http://www.histoiredelafolie.fr/psychiatrie-neurologie/la-possession-demoniaque-et-la-science-la-possedee-de-grezes-par-gaston-mery-1902
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