Il y eut jadis
des hommes qui crurent avoir découvert le paradis sur terre : les
Haschischins.
Sont
connus sous l’appellation de « Haschischins » les ismaéliens
adeptes de la réforme d’Hasan
i-Sabbah.
Ils furent ainsi nommés parce qu’ils consommaient beaucoup de
haschisch avant de se lancer dans des commandos-suicide. Leur
célébrité est telle qu’ils sont à l’origine du mot français
« assassin ».
La secte est
issue d’une branche de l’Islam chiite. Ses membres se déclarèrent
partisans du neveu de Mahomet, lequel, étant descendant du Prophète
par les femmes, n’était pas reconnu par l’ensemble des
musulmans.
Selon
les témoignages du voyageur vénitien
Marco Polo (1323)
et de nombreux historiens persans, les Haschischins vivaient dans la
forteresse d’Alamut,
à 1800 mètres d’altitude, dans le Mazenderan, au sud de la mer
Caspienne. Confinés dans leurs montagnes et ne disposant pas des
moyens d’entreprendre des guerres conventionnelles, ils imaginèrent
d’envoyer des commandos de six hommes (les fidawis) chargés de
poignarder des chefs ennemis, le plus souvent tandis qu’ils se
livraient à leurs dévotions dans des mosquées.
Le
maître de ces assassins était sacré « Vieux
de la Montagne ». Le premier d’entre eux fut évidemment Hasan
i-Sabbah, le fondateur
de la secte.
Ceux désignés
pour commettre les meurtres étaient anesthésiés avec du haschisch,
introduit dans leur nourriture sous forme de pâte mêlée à de la
confiture de rose. Le Vieux de la Montagne leur parlait longuement et
les hommes s’endormaient car le haschisch est une drogue
soporifique et non pas excitante. Assoupis, ils étaient transportés
dans un jardin secret, au fond de la forteresse d’Alamut. À leur
réveil, ils s’y retrouvaient environnés de jeunes esclaves,
filles et garçons, empressés à réaliser tous leurs désirs
sexuels. Ils étaient arrivés en guenilles. Ils se découvraient en
robe de soie verte rehaussée de fils d’or et, tout autour, c’était
le Paradis : vaisselle de vermeil, vins suaves à profusion, roses
aux délicats parfums, haschisch à volonté. Drogue, sexe, alcool,
luxe et volupté ! Ils étaient convaincus d’être dans les jardins
d’Allah, d’autant plus que ce lieu était une oasis
particulièrement rare en une région aride et montagneuse.
Ils étaient
ensuite de nouveau anesthésiés à la pâte de haschisch, puis
ramenés au point de départ dans leurs anciennes défroques. Le
Vieux de la Montagne leur déclarait alors que, grâce à ses
pouvoirs, ils avaient eu la chance de goûter furtivement au Paradis
d’Allah. À eux d’y retourner définitivement en mourant en
guerriers ! Le sourire aux lèvres, les fidawis
partaient alors docilement assassiner vizirs et sultans. Arrêtés,
ils marchaient au supplice, le visage extasié.
Il n’y avait que
les prêtres haschischins de haut échelon (sixième degré) à
connaître le secret des faux jardins d’Allah.
La secte s’occupa
d’abord de ses propres intérêts en promouvant le message d’Hasan
i-Sabbah. Puis les Vieux de la Montagne constatèrent que leurs
sbires fanatisés pouvaient rapporter gros. Ils louèrent leurs
services au plus offrant. Les assassins se précipitaient pour se
porter volontaires quand leur chef demandait : « Lequel d’entre
vous me débarrassera de tel ou tel ? » Ainsi périt, entre autres,
la poétesse Açma, fille de Marwan, qui avait osé médire de ses
alliés médinois, lesquels firent aussitôt appel aux bras
mercenaires des haschischins.
La
forteresse d’Alamut fut conquise en 1253 par le
grand khan mongol Hulagu,
général du grand
khan chinois Mongkha. Les assassins eurent beau réclamer l’appui
des sultans qu’ils avaient aidés, ceux-ci se gardèrent bien
d’intervenir, trop contents de se débarrasser de ces dangereux
trublions.
Les haschischins
massacrés purent vérifier qu’ils n’avaient connu qu’un ersatz
de Paradis. Un monde sacré artificiel, fabriqué par les hommes pour
les illusionner.
Extrait
de la thèse La Mort cette inconnue,
par Francis RAZORBAK.
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