Félix ne revint
plus jamais en ce bas monde. Il ne se maria pas et ne raconta jamais
ce qu’il avait vu derrière Moch 1. La Grande Faucheuse ne l’avait
pas autorisé à poser de nouvelles banderilles. Cerbère l’avait
dévoré. Baal
l’avait happé. La mort… l’avait tué.
Là-haut, il avait
ôté le masque de la Gorgone.
Il avait peut-être vu le visage caché derrière la face de
squelette de la femme en satin blanc. Il l’avait vu et il n’était
pas revenu pour nous dire ce qu’il avait vu. Cela ne lui avait pas
été possible, ou il ne l’avait peut-être pas assez désiré. La
lumière attirante au fond du couloir bleu avait été plus forte que
notre amitié. Elle avait été plus forte que la célébrité, plus
forte que l’amour d’Amandine, plus forte que l’alcool, les
prostituées, l’aventure thanatonautique. La mort gardait son
mystère.
Il y eut quelques
feuilles à scandales pour sous-entendre que j’avais manipulé les
boosters pour me débarrasser d’un rival gênant. J’avais beau
être follement épris de notre infirmière, jamais je n’aurais été
capable pour autant de tuer volontairement quelqu’un, et surtout
pas Félix.
En revanche, je me
suis demandé si Félix ne s’était pas volontairement porté
disparu. Il savait qu’il avait succombé aux pièges de la
célébrité et qu’il se détruisait peu à peu. Plus que tout, je
crois surtout qu’il redoutait de perdre Amandine. En dépit de ses
coucheries, il l’aimait vraiment, sa première et son unique femme.
À la fin, il
s’était senti indigne d’elle. Avec les prostituées, il était à
son aise. Il se retrouvait dans son médiocre milieu d’origine. La
si belle et cultivée Amandine l’impressionnait. Félix pensait ne
pas mériter épouse aussi douce et gentille.
« Pardonne-moi. »
Tels avaient été ses terribles derniers mots pour Amandine.
L’homme de l’année
et même de la décennie eut droit à des funérailles nationales.
Son enveloppe charnelle fut ensevelie au cimetière du Père-Lachaise
dans un somptueux mausolée de marbre. Une stèle portait gravé : «
Ci-gît le premier thanatonaute du monde ».
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