Avec
la trouvaille de Rose, tous nos travaux étaient relancés. Nous
partions sur une voie nouvelle. Nous savions déjà que le cerveau
émettait des ondes,
par exemple alpha
ou bêta, durant
les phases de sommeil ou proches du sommeil. Il était donc logique
qu’une modification de l’action radio du cerveau intervienne au
moment de la décorporation.
Le décollage
suivant de Stefania s’effectua à proximité d’un transistor. On
entendit effectivement un faible slash, la sortie du corps s’était
bel et bien accompagnée de l’émission d’ondes.
Raoul mit au point
un système sensible aux hautes, basses et moyennes fréquences, afin
de repérer sur quelle longueur d’onde précisément les
ectoplasmes émettaient. Stefania se livra à une courte méditation,
et de nouveau, le slash retentit comme un feulement. Nous examinâmes
cette « trace » sur l’oscilloscope. Il s’agissait d’une
longueur d’onde très basse, aux crêtes très espacées.
Raoul tripota
plusieurs manettes. Une ligne surmontée de chiffres apparut sur
l’écran de l’oscilloscope. Il reporta les nombres sur une table
de fréquences… Il partit des petits rayons gamma dont les crêtes
ne sont séparées que d’un
angström,
poursuivit au-dessus des rayons X et par-delà les rayons
ultraviolets. Il dépassa le spectre des couleurs visibles à l’œil
nu et dont la crête est d’un millimètre, les ondes télévision à
un mètre, les ondes radio et parvint à la plage « ondes cérébrales
». Il effectua encore quelques réglages.
- Nous avons affaire à des ondes extralongues espacées de plus d’un kilomètre, annonça-t-il. Il s’agit d’une fréquence radio très basse d’environ 86 kilohertz.
Nous poussâmes
des cris de jubilation. Nous disposions enfin d’une preuve
scientifique, matérielle, de l’activité extracorporelle des
thanatonautes. Personne ne pourrait désormais nier la réalité de
nos expériences.
Informé, Lucinder
décida sur-le-champ de nous attribuer un budget supplémentaire
qu’il prit sur la caisse noire de la Présidence.
Au moyen
d’instruments de plus en plus sophistiqués, nous identifiâmes
précisément l’empreinte ectoplasmique de Stefania : 86,4
kilohertz. Raoul conçut un détecteur d’envol permettant de
connaître la seconde exacte où le corps vital de Stefania se
désolidariserait de son corps physique.
Dès lors, une
question s’imposait : où situer géographiquement le Continent
Ultime ? En effet, si l’ectoplasme voyageait en demeurant
détectable grâce à un système radio, nous devions être à même
de suivre ses déplacements. Alors, où était donc le Paradis ? Où
se trouvait ce continent immatériel dont nous dressions les cartes
depuis si longtemps en ignorant son emplacement ?
Au plus haut du
thanatodrome, j’installai une vaste antenne parabolique, plutôt un
radiotélescope, de cinq mètres de diamètre. Une jolie marguerite
sur notre penthouse.
Une nouvelle étape
de notre conquête du continent des morts s’ouvrait à nous. Nous
entrions dans la « phase astronomique ».
Champagne !
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