Alors que nous
progressions à petits pas, centimètre par centimètre, dans le
Continent Ultime, un peu partout dans le monde les thanatodromes
commencèrent à se réveiller. Il en poussait même comme des
champignons.
Le sujet
redevenait à la mode. Dès qu’on sut que Stefania avait eu l’idée
d’associer la mystique à la science, on bâtit les thanatodromes à
côté des temples et après les prisonniers, après les cascadeurs,
surgit une nouvelle génération de thanatonautes essentiellement
composée de clercs et de moines de toutes confessions.
Parallèlement,
après les sceptiques et les enthousiastes, nous dûmes affronter les
laïques qui considéraient ce mélange de superstition et de
recherche comme détonant.
Ils nous
surnommèrent les « conquistadores de la foi », car nous partions
conquérir un territoire au nom de principes spirituels préétablis.
De fait, chaque
prêtre qui passait le premier mur prétendait avoir vu des symboles
de sa religion. C’était normal puisque, dans le territoire noir,
le thanatonaute était assailli par ses propres souvenirs.
Les moines
bénédictins déclarèrent avoir découvert l’origine de l’auréole
des saints. Selon eux, c’était une représentation de l’ectoplasme
entamant sa sortie par le haut du crâne. Les peintres de l’époque
auraient ainsi voulu signaler la faculté des Élus à se décorporer.
Les antireligieux
s’emportèrent, affirmant que tout cela n’était que publicité
pour la calotte.
Il y avait tant
d’intérêts, tant de sacré et tant de tabou en jeu. Amandine,
Stefania, Raoul et moi savions que nous manipulions une bombe qui
pouvait nous exploser au visage. Déjà « l’accident » de Jean
aurait dû être pour nous un avertissement. Mais la curiosité
était toujours la plus forte. Nous voulions tant savoir ce qu’il y
avait après Moch 2.
Stefania nous en
parlait à chaque envol. Elle l’avait touché, ce fameux second
mur, mais elle ne se sentait pas pour l’instant capable de le
franchir. Il lui manquait encore quelque chose qu’elle ne parvenait
pas à définir.
Elle n’était
pas la seule. Si d’autres bouddhistes tibétains, puis les moines
taoïstes, puis les derviches tourneurs, les zoroastriens, les
témoins de Jéhovah, les trappistes
de l’abbaye de Mont-Louis, les jésuites
de l’abbaye Saint-Bertrand1
passèrent sans trop de difficulté le premier mur comatique, aucun
n’arrivait à passer le second.
Nous visitâmes
leurs différents lieux de culte et apprîmes beaucoup de leurs
cérémonies. Toutes les religions avaient en fait conservé dans
leur mémoire les techniques d’envol. Qu’importait si leurs
serviteurs les appelaient « prière éternelle » ou « contact avec
le monde divin ».
1Il
y a bien une cathédrale mais pas d'abbay :
http://www.cathedrale-saint-bertrand.org/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire