Les Thanatonautes (Bernard Werber) : 282 – ÉPOUSAILLES

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samedi 31 janvier 2015

282 – ÉPOUSAILLES

L’élue de Raoul, c’était Amandine. Je ne m’y attendais plus. Ni Rose ni moi n’avions surpris de tendres regards, de frôlements de mains, de baisers volés lors des soirées au penthouse. Nous n’avions pas entendu de portes claquer pendant la nuit entre les deux appartements. De surcroît, au cours de ses interminables beuveries, Raoul n’avait cessé de pleurer Stefania.
Enfin, les faits étaient là et les mariés radieux.
Neuf mois plus tard, Amandine donna le jour à une petite Pimprenelle. L’événement bouleversa la personnalité de Raoul du tout au tout. Lui qui avait toujours vécu en fonction de ses parents, voilà qu’il se retrouvait père à son tour et passé de l’autre côté de la barrière. À présent, il jetait sur ses propres géniteurs un regard tout différent.
Nous eûmes une longue discussion dans son salon. Devenu soudain lucide, Raoul comprenait comment sa mère avait pu se détourner d’un homme qui la délaissait pour ne se préoccuper que de la mort. Certes, elle avait haï son père, elle l’avait trompé, mais elle ne l’avait quand même pas assassiné de ses mains. C’était lui qui, réalisant sa solitude dans un monde dont, tout à l’au-delà, il se désintéressait, avait pris la décision de se pendre. Sa femme ne l’avait pas elle-même attaché à la chasse d’eau !
Il parlait et Pimprenelle vociférait. C’était sa façon de communiquer avec le monde. Dès qu’elle ne recevait pas l’attention qu’elle souhaitait, qu’on ne lui tendait pas au plus vite le joujou qu’elle réclamait, elle hurlait Amandine se chargea de la calmer.
Sous les décibels de la gamine, Raoul me confia ses dernières réflexions :

- Il n’y a qu’une seule manière d’aimer ses parents : tout leur pardonner, quoi qu’ils aient fait. Ensuite, il n’y a plus qu’à se pardonner soi-même de ne pas leur avoir pardonné plus tôt.

Mon ami se remémora les petits riens qui font les grandes rancunes enfantines. Ainsi, quand il était petit, il ne supportait pas que sa mère fasse la vaisselle plutôt que de s’occuper de lui. « Attends trois minutes », lui disait-elle. Il lui en voulait alors de le négliger et de ne pas céder instantanément à sa tyrannie. Il se fermait à son amour pour la punir, s’en privant du même coup.
À la réflexion, ses rapports avec ses parents ressemblaient assez aux miens Pimprenelle hurlait toujours et Raoul se précipita à son tour. Dans ses bras, elle se remit lentement de ses pleurs. Saurait-elle, elle aussi, lui pardonner un jour de n’être pas accouru plus vite ? Saurait-elle, un jour, lui pardonner de ne pas lui avoir offert tout l’amour et tous les jouets du monde ?

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