Ce Rubicon-là, mon
frère Conrad refusait de le franchir. Son scepticisme et son
matérialisme naturel avaient déjà été soumis à rude épreuve.
Il se refusait à s’avancer davantage dans ce délire moderne que
nous avions baptisé du nom de thanatonautique.
Certes, les
anges, c’était un peu dur à avaler. D’ailleurs, si quelqu’un
m’avait dit auparavant qu’après la mort les anges vous
accueillaient, j’aurais ricané doucement. En toute honnêteté, je
n’aurais jamais pu croire à la moitié de la moitié du dixième
de toutes ces choses que j’avais vécues avec mes sens.
Tout était si «
étonnant ».
Cependant,
admettre que la mort était un continent avait été pour nous
l’étape la plus difficile et nous l’avions franchie. Nous avions
admis être dotés d’une âme capable de voyager. Nous avions admis
que cette âme était immatérielle. Nous avions admis qu’un cordon
argenté la rattachait à notre enveloppe charnelle. Alors, pourquoi
pas les anges ? Toutes les religions y faisaient allusion d’une
façon ou d’une autre, après tout.
Le président
Lucinder nous pria de garder le plus grand secret sur nos récentes
découvertes. Pour l’heure, il importait de dissimuler ce que nous
savions du fin fond du Paradis.
- Ces anges, quelle histoire ! Il ne nous manquait plus que ça. Et pourquoi pas Dieu, pendant que vous y êtes ?
Il estimait que
nous étions en possession d’une bombe et qu’il fallait en
retarder l’effet. Le Président piqua ensuite une colère en
apprenant l’assassinat du rabbin Meyer par le Vieux de la Montagne
et ses mercenaires.
- Qu’est-ce que cet enturbanné qui ne connaît que le langage de la violence et de l’exclusion ? Il veut faire la guerre aux Infidèles, là-haut ? Nous ne lui permettrons pas de pirater le Paradis.
- Il est déjà mort, dit Raoul. Il y a eu un duel terrible mais Michael et Amandine l’ont emporté et l’ont tué.
- Peu importe, s’exclama Lucinder, derrière son bureau d’acajou, j’en ai par-dessus la tête des guerres de religion ! Nous sommes au xxi siècle, plus au Moyen Âge. On ne saurait tolérer éternellement l’intolérance. Laissez-moi faire.
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