Pesée des âmes par Osiris |
- Le défunt doit passer les portes de l’Enfer, éviter les monstres aquatiques, se protéger des démons volants. S’il y parvient, il se retrouvera face à Osiris, le Juge suprême, ainsi que devant un tribunal constitué de quarante-deux divins assesseurs. Il lui faudra alors prouver la pureté de son âme par une confession négative dans laquelle il déclarera n’avoir jamais commis de péchés ou d’offenses graves durant la vie qu’il vient juste de quitter. Il dira :
Je n’ai pas
commis d’iniquité contre les hommes
Je n’ai pas
maltraité les gens
Je n’ai pas
caché la vérité
Je n’ai pas
blasphémé Dieu
Je n’ai pas
appauvri un pauvre
Je n’ai pas
fait ce qui est abominable aux dieux
Je n’ai pas
desservi un esclave auprès de son maître
Je n’ai pas
forniqué dans les lieux saints de ma ville
Je n’ai pas
affamé
Je n’ai pas
fait pleurer
Je n’ai pas
tué
Je n’ai pas
ordonné de tuer1
- Il peut donc affirmer ce qu’il veut, mentir même ? demandai-je à Raoul.
- Oui. Il dispose du droit de mentir. Les dieux lui posent des questions, au défunt de les tromper. Mais sa tâche n’est guère facile car les dieux savent beaucoup de choses. Normal, ce sont des dieux.
- Et ensuite ?
- S’il sort vainqueur de cette épreuve, il affrontera la seconde partie du jugement, en présence cette fois de nouveaux dieux.
Raoul se tut un
instant pour mieux maintenir le suspense.
- Il y aura là Maat, la déesse de la justice, et Thot le dieu de la sagesse et de l’étude à tête d’ibis. Lui consignera le témoignage du défunt sur une tablette. Ensuite viendra Anubis, le dieu à tête de chacal, nanti d’une grande balance qui servira à la pesée de l’âme.
- Comment peut-on peser une âme ?
Raoul ignora une
question aussi évidente, fronça les sourcils, tourna une page et
poursuivit :
- Anubis dépose sur un plateau le cœur du défunt et une plume sur l’autre. Si le cœur est plus léger que la plume, le mort est déclaré innocent. Si le cœur s’avère plus lourd que la plume, il sera donné en pâture à un dieu à corps de lion et tête de crocodile, chargé de dévorer les âmes indignes de l’Éternité.
- Et quel sera le
sort réservé au… gagnant ?
- Libéré du poids de ses vies, il rejoindra la lumière du soleil levant.
- Super !
- … Là l’attendra Khépri, le dieu à tête de scarabée d’or. Là s’achèvera son chemin. L’âme justifiée connaîtra les félicités éternelles. À elle d’entonner alors l’hymne des vainqueurs qui ont réussi leur parcours sur terre et dans l’au-delà. Écoute cet hymne.
Raoul se dressa sur
une pierre funéraire, fit face à une lune acnéique et, d’une
voix claire, entreprit de déclamer les antiques paroles :
Le lien est
dénoué
J’ai jeté à
terre tout le mal qui est en moi
Ô Osiris
puissant
Je viens enfin
de naître
Regarde-moi, je
viens de naître
Raoul avait
achevé la lecture du grand livre de mythologie antique. Il avait
accompli son exploit. De la sueur perlait à son front. Il souriait
comme si Anubis venait tout juste de le déclarer vainqueur de sa
propre vie.
- Belle histoire ! m’exclamai-je. Tu crois que là-haut, pour les morts, ça se passe vraiment comme ça ?
- Je n’en sais rien. C’est une allégorie. Ces Égyptiens avaient de toute évidence acquis un grand savoir sur la question mais, comme ils ne tenaient pas à le révéler à mauvais escient, ils ont eu recours à des métaphores et à des termes poétiques. Un écrivain aurait été incapable d’inventer tout ça par un beau jour d’inspiration. Ces mythes puisent leur origine dans une sorte de bon sens universel. La preuve, toutes les religions racontent plus ou moins la même histoire que celle-ci, en usant de termes différents. Toutes les religions affirment qu’il existe un monde par-delà la mort. Qu’il y a des épreuves et, au bout, la réincarnation ou la libération. Plus des deux tiers de l’humanité croient en la réincarnation.
- Mais tu penses vraiment qu’il y a une barque avec des dieux qui…
Raoul me fit signe
de me taire.
- Chut ! On vient.
Il était neuf
heures du soir, déjà, et le cimetière avait naturellement fermé
ses grilles. Qui pouvait donc venir troubler sa paix ? Et comment
d’autres avaient-ils franchi les portails clos ? Nous, nous avions
trouvé un passage en escaladant le grand platane à l’angle
nord-ouest dont les branches penchaient par-dessus le mur d’enceinte.
Nous étions convaincus d’être les seuls à connaître cette voie.
Nous nous glissâmes
furtivement en direction d’une rumeur sourde.
Nous vîmes un
groupe en capes noires passant au travers d’une grille en
trompe-l’œil.
1Livre
des morts Egyptien:
http://www.venerabilisopus.org/fr/bibliotheque/pdf/0/88_le-livre-des-morts-des-anciens-e-gyptiens.pdf
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